19 avril 2022

3 octobre 2023

Renforcer le modèle des habitations communautaires pour aînés

Pour toutes sortes de raisons, le secteur des résidences privées pour aînés (RPA) a été mis à mal au cours des trois dernières années. Dès le début de la pandémie de COVID- 19, l’exploitation des RPA et la vie des résidentes et résidents ont été bouleversées. Les résidences ont largement été assimilées aux ressources d’hébergement et de soins de longue durée, alors qu’elles s’en distinguent pourtant grandement. La fermeture de centaines de résidences témoigne de ces bouleversements.

À l’intérieur du grand ensemble que constituent les 1 500 RPA et leurs 135 000 unités locatives toujours en exploitation, peu de gens savent qu’il y en a près de 200 qui appartiennent à des organismes sans but lucratif. Ces résidences communautaires offrent près de 8 500 unités locatives à des ménages aînés. La moitié d’entre elles sont de catégorie autonome – elles offrent un service de repas, des loisirs ou des services d’entretien ménager – tandis que les autres offrent en plus des services d’assistance personnelle et pour certaines, des soins infirmiers.

 

Outre le fait qu’elles ne poursuivent aucune finalité de profit, les RPA-OSBL se distinguent également par leur mode de gouvernance : elles sont administrées par des bénévoles et ont mis en place pour la plupart des mécanismes de participation des résidents, de leurs proches et de la communauté. Elles diffèrent également des grandes résidences à but lucratif par le type de clientèle qu’elles desservent : des personnes aînées à faible ou modeste revenu ou qui ont vécu toute leur vie en milieu rural, dans de petites municipalités où le modèle d’affaires des grands promoteurs n’est pas applicable.

 

Or, le secteur des RPA-OSBL fait face actuellement à de grandes difficultés, qui sont en partie, mais pas exclusivement, une conséquence des impacts causés par la pandémie.

 

Alors que les résidences sans but lucratif avaient été épargnées, sauf très rares exceptions, par les vagues de fermetures de RPA avant la pandémie, la situation a radicalement évolué depuis trois ans. En 2021, 5 RPA-OSBL totalisant 166 unités ont ainsi été contraintes de fermer leurs portes. Et dans la dernière année, ce sont 7 résidences sans but lucratif (103 unités) qui ont fermé à leur tour.

 

La plupart de ces résidences étaient situées dans de petites municipalités, au Lac- Saint-Jean, en Chaudière-Appalaches, dans le Bas-Saint-Laurent et dans les MRC de Charlevoix et Charlevoix-Est. Il s’agit d’une lourde perte pour ces communautés, et surtout pour leurs résidentes et résidents, qui ont dû pour la plupart être relocalisés à l’extérieur de leur milieu de vie habituel.

 

Les motifs de ces fermetures varient, mais le secteur, de manière générale, est frappé par une série de facteurs similaires :

 

  • Une augmentation constante et généralisée des dépenses d’exploitation, dans le contexte inflationniste que l’on connaît depuis un peu plus d’un an, mais également en raison du resserrement des exigences liées à l’exploitation des RPA ;
  • Les enjeux liés à la pénurie de main-d’œuvre et son impact sur le recrutement, mais aussi la rétention du personnel ; cet élément ayant lui aussi un impact sur les dépenses d’exploitation (octroi de salaires et de conditions plus compétitives) ;
  • Le vieillissement et l’alourdissement des besoins des résidentes et résidents, ce qui crée une pression sur la prestation et le niveau des services offerts par les résidences, sans pour autant que les résidents aient la capacité de payer plus cher pour ces services – et dans la majorité des cas, sans soutien financier des établissements du réseau ;
  • Le phénomène de perte d’attractivité des RPA, dans le contexte de la pandémie et des confinements généralisés qui ont été imposés sans distinction à toutes les RPA, qui sont maintenant vues comme des « prisons » ; alors que notre secteur ne connaissait jusqu’à maintenant que des listes d’attente, plusieurs RPA-OSBL font maintenant face à des taux d’inoccupation élevés (ex. : 12 % au Saguenay–Lac-Saint-Jean), qui ont que les organismes enregistrent des déficits d’exploitation invivables.

 

À l’occasion d’un sondage réalisé en mars 20221, près de la moitié des responsables de RPA-OSBL se sont dit d’avis que la viabilité de leurs organisations était compromise et qu’en l’absence d’un soutien financier, leur fermeture allait s’avérer inévitable à court ou moyen terme.

 

Nous en sommes donc à un point où la question se pose, à savoir si collectivement, la société québécoise souhaite la survie – ou la disparition inévitable et progressive – d’un réseau de RPA sans but lucratif qui a pourtant bien servi les communautés dans les dernières décennies. Et cette survie passera nécessairement par la reconnaissance de la spécificité de ce modèle – une reconnaissance assortie d’un soutien financier conséquent.

 

Il en va de la protection du parc actuellement existant des RPA-OSBL – et des investissements publics qui ont été consentis pour leur réalisation. C’est aussi une question de cohérence, alors que près d’une trentaine de nouvelles RPA-OSBL sont en voie de réalisation, dans le cadre du programme AccèsLogis et du Programme d’habitation abordable Québec : va-t-on abandonner ces résidences après avoir appuyé leur construction ?

 

Le Québec a besoin qu’une option de logements abordables avec services adaptés soit disponible pour l’ensemble des personnes aînées qui en ont besoin, y compris celles dont les revenus sont plus faibles ou qui ont passé leur vie hors des grands centres urbains.

 

Recommandation

 

Qu’un programme de soutien aux résidences privées pour aînées exploitées à des fins non lucratives soit mis en place par le ministère de la Santé et des Services sociaux pour les aider à financer leur offre de services d’assistance personnelle et de soins infirmiers et à faire face à la hausse des coûts d’exploitation.

1-Jacques Beaudoin, « Les RPA communautaires appellent à l’aide », Le Réseau, été 2022. En ligne : https://rqoh.com/les-rpa-communautaires-appellent-a-l-aide/